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Les vins internationaux à l’assaut de la place de Bordeaux

Depuis plusieurs années, la place de Bordeaux ouvre grand ses bras aux grands vins français et internationaux soucieux de maîtriser leur
distribution mondiale tout en trouvant un écho particulier auprès des critiques et des metteurs en marché. Une révolution copernicienne en quelque sorte, puisque cette main intangible régule les
marchés par un savant dosage relationnel entre courtiers de place et négociants de place et n’est plus entièrement dévolue aux grands crus classés de Bordeaux et assimilés.

 

Au commencement, il y avait surtout les alliances entre des familles bordelaises et des familles connues et reconnues à travers le monde. Emblématique de cette évolution, la joint-venture entre la famille Rothschild (branche Mouton) et la famille californienne Mondavi pour créer Opus One s’est traduite, depuis le millésime 2001 mis en marché en 2004, par la commercialisation d’une partie de la production par quelques négociants aquitains grâce à son bureau bordelais, sans toutefois passer par des courtiers. De même, Almaviva, l’autre joint-venture internationale de la famille Rothschild, cette fois au Chili avec Concha y Toro, fut commercialisée entièrement via la place de Bordeaux dès son premier millésime, en 1998, tout comme Caiarossa, la propriété toscane de la famille Albada-Jelgersma, propriétaire de Château Giscours à Margaux, disponible via la place de Bordeaux depuis son premier millésime, en 2004.

APPARITION DE STRUCTURES DÉDIÉES
Depuis quelques années, la place de Bordeaux s’ouvre à d’autres marques non bordelaises et s’organise. Cette vague semble correspondre à la création de la structure. Excellence Vin – Grands Vins du Monde, dirigée par Jeremy Quievre (qui n’a pas souhaité répondre à nos questions) et accompagnée par Laurent Quancard, un courtier très infl uent de la place de Bordeaux. Cette sélection ne cesse de s’étendre pour représenter aujourd’hui environ 400 étiquettes différentes échangées entre négociants et 42 références mises en marché via la société, selon les informations de son site internet. La récente arrivée d’une nouvelle entité, Bureau des Grands Vins, dirigée par Timothée Moreau, devrait accélérer le mouvement. Il faut dire que le marché semble porteur, à l’exemple de la société Joanne, négociant majeur de la place de Bordeaux, qui a créé en janvier dernier une société dédiée à la commercialisation des grandes marques internationales : Joanne Rare Wines. La
direction en a été confi ée à Jean-Quentin Prats, fi ls de Jean-Guillaume Prats, président des Domaines Barons de Rothschild (Lafi te). « Le modèle de la place de Bordeaux est atypique, car c’est le seul qui permet d’avoir accès à des revendeurs dans le monde entier, explique le dirigeant. Chaque partenaire a environ 10 à 100 clients. Cette structure permet d’obtenir une visibilité médiatique et statutaire, et le vigneron peut se concentrer sur son métier d’élaboration de grands vins. » La maison Joanne est un poids lourd du secteur et être distribué par elle revient à ouvrir le champ
des possibles. En 2020, elle comptait près de « 1 000 clients distributeurs dont 300 en Chine continentale, soit une estimation de plus de 10 000 clients professionnels », selon les données fournies par Jean-Quentin Prats. Une couverture importante qui favorise le commerce et la revente, d’autant plus que les vins « sont rares, donc plus ventilés, et donc plus désirables », renchérit-il.

« Depuis quelques années, la place de Bordeaux s’ouvre à d’autres marques non bordelaises et s’organise. »

UN NOUVEAU MODÈLE DE PLACE
La mise en marché des vins internationaux répond toutefois à quelques règles différentes de celles de leurs homologues bordelais. En premier lieu, les marques créent des pools de négociants. L’objectif n’est pas d’être présent via 50 ou 80 négociants différents, mais plutôt 5 ou 6 au maximum. Ce pool concentre alors les affaires et maîtrise la distribution, créant une forme de rareté. Ainsi, les vins mis en marché, en plus d’être ouverts au monde entier, connaissent un engouement rapide et fi nissent par affi cher assez rapidement une augmentation de l’ordre de 20 à 30%.
L’assurance d’une mise en marché réussie en quelque sorte, coupant l’herbe sous le pied à un concurrent plus fi nancier et sur tout spécialisé sur le « second marché », entendons la revente spéculative, la place de Londres. « Londres est une place majeure, mais qui tend à se spécialiser sur le trading de seconde main. Bordeaux souhaite devenir la référence mondiale des mises en
marché en direct des domaines », suggère Jean-Quentin Prats. Une manière subtile, et ô combien performante, de changer le centre de gravité de la revente des vins par une maîtrise plus pragmatique de la distribution des marques. Le succès est au rendez-vous. Cette année, pas moins de cinq nouvelles propriétés se sont annoncées : Yjar, le premier vin de Rioja à être commercialisé via la place de Bordeaux et élaboré par Telmo Rodriguez ; Penfolds 2018 Bin 169 Coonawarra cabernet sauvignon ; Beaux Frères, l’ancienne propriété de Robert Parker et de son beaufrère, aujourd’hui détenue par le groupe Henriot ; la maison Philipponnat, qui sera la première maison de champagne à rejoindre la place de Bordeaux avec deux cuvées dont son Clos des Goisses ; et, tout récemment, le producteur chilien Santa Rita, qui vient de confi rmer que sa cuvée premium Casa Real Reserva Especial serait commercialisée via Bordeaux pour les marchés européens, asiatiques et canadiens, à l’exception des États-Unis et de l’Amérique du Sud. Et les châteaux bordelais dans tout cela ?
Pour l’instant, ils observent. Si certains ont fait connaître leur désaccord, il semble que l’achat de propriétés internationales commercialisées via la place de Bordeaux a freiné des opinions autrefois véhémentes et aujourd’hui plus clémentes. Il est vrai que l’engouement pour la place de Bordeaux devrait agir comme un effet positif
sur l’ensemble de la fi lière, donc sur les grands crus classés. 

 

Source : V & S NEWS

Date de parution : 15 octobre 2021

Lien : https://www.vsnews.fr/documentation/marches